Auteurs
- Emilien VAREA, Maître de Conférences, Université de Rouen Normandie, IUT De Rouen
- Talib DBOUK, Professeur des Universités, Université de Rouen Normandie, IUT de Rouen
- Béatrice PATTE-ROULAND, Professeure des Universités, Université de Rouen Normandie, IUT de Rouen
- Lamiae VERNIERES, Maîtresse de Conférences, INSA de Rouen
- Alexandre GEFFROY, Ingénieur de Recherche, Université de Rouen Normandie
- Romain CHAMPION, Ingénieur d’Etudes, Université de Rouen Normandie
Résumé
Ces travaux de recherche s’inscrivent dans le contexte global de développement d’une nouvelle plateforme multirisques de la Métropole Rouen Normandie (MRN) qui visent à étudier notamment :
- La prédiction, la prévision et une meilleure protection contre les inondations, les feux de forêts, les incendies ;
- Le transport des polluants dans l’air, dans l’eau et dans les sols ainsi que le transport des pollens.
Dans ce projet, une étude est menée pour identifier la vulnérabilité de la MRN vis-à-vis des risques d’incendie de végétations. Une cartographie des zones végétales et de leur proximité immédiate avec la ville ou des installations industrielles est proposée. Des prélèvements sont effectués pour mesurer les émissions polluantes lors de la combustion de ces espèces. Les mesures ont pour but de fournir des données d’entrées aux modèles de simulations 3D.
Sommaire
Introduction
Ce travail de recherche s’inscrit dans le cadre de la plateforme multirisques de la Métropole de Rouen Normandie (MRN) pour analyser et comprendre les incendies de type « feu de forêt ». La lutte contre les incendies en prévention est intimement liée au référencement des risques. En plus des risques immédiats pour les personnes et les biens, il existe un enjeu majeur en matière de pollution atmosphérique et de qualité de l’air. Cette problématique est d’autant plus importante qu’un incendie génère une diversité de particules et de gaz toxiques dans l’atmosphère, pouvant avoir des répercussions sur la santé humaine.
Dans ce travail, on vise à élaborer un jumeau numérique de la MRN en y incorporant les arbres et les forêts dans un modèle tridimensionnel à grande échelle ainsi que les espèces chimiques émises lors de la combustion des essences végétales. Ceci constitue une avancée jusqu’alors sans précédent au niveau international.
Le travail se décline en deux parties :
- Caractérisation expérimentale des espèces chimiques émises lors de la combustion d’un mélange spécifique de branches et feuilles végétales :
- Dans cette première section, des mesures ainsi que des analyses de combustion, simulant un feu en plein air, sont réalisées au sein du laboratoire CORIA UMR6614 Université CNRS et INSA de Rouen ;
- Construction d’un modèle urbain tridimensionnel représentatif d’une grande partie de la MRN :
- Le modèle doit inclure les forêts aux espèces végétales différentes ainsi que les canopées urbaines significatives. Le modèle sera ensuite intégré à un code de calcul spécifique dédié à la mécanique des fluides numérique CFD (Computational Fluid Dynamics). La mise en place des nouvelles conditions initiales et aux limites dans le code de calcul CFD sont nécessaires afin de tenir compte de l’évolution locale d’une source dynamique réelle d’émission.
Données et méthodes
Caractérisation expérimentale des espèces chimiques émises lors de la combustion d’un mélange spécifique de branches et feuilles végétales
Pour parvenir à l’identification des émissions dans l’atmosphère lors d’un incendie de forêt, le protocole retenu est le suivant :
- Localisations des régions les plus vulnérables aux incendies ;
- Campagne de prélèvement d’échantillons végétaux ;
- Mise en place du protocole de combustion des essences.
Localisation
Sur la MRN, le vent prédominant est orienté ouest/sud-ouest, particulièrement pendant la période de juin à septembre, lorsque le risque d’incendie est le plus grand. Par conséquent, une attention particulière est portée aux espaces verts localisés au sud, au sud-ouest et à l’ouest de la Métropole. L’analyse revêt une importance majeure dans ces zones en raison de :
- Leur plus grande vulnérabilité ;
- La dispersion des substances polluantes vers le cœur de l’agglomération en cas d’incendie ;
- De leur proximité avec des installations industrielles sensibles.
Zones forestières au sud de la Métropole de Rouen Normandie (MRN)
Prélèvement
4 prélèvements sur les essences identifiées comme sensibles ont été effectués. Ils sont numérotés de 1 à 4 :
- Châtaignier
- Pin sylvestre
- Lande broussaille
- Pin noir
Zones de prélèvement pour l’étude
Mise en place du protocole de combustion des essences
Le protocole expérimental pour la combustion et l’analyse des émissions polluantes est un dispositif déjà présent au laboratoire CORIA et en accord avec les systèmes utilisés dans la littérature.
Banc expérimental
Le protocole expérimental pour caractériser les émissions polluantes des différentes sources de végétaux est tel que :
- Chaque échantillon de 300 g est disposé dans des barquettes en aluminium pour un séchage de 48 heures dans une étuve à une température de 100°C ;
- Chaque échantillon est ensuite placé dans un récipient métallique en agençant les végétaux ;
- L’allumage est effectué par exposition à une flamme pendant 5 secondes ;
- La visualisation de la flamme ainsi que la perte de masse et les émissions polluantes sont enregistrées.
Construction d’un modèle urbain tridimensionnel représentatif d’une grande partie de la Métropole Rouen Normandie
Un modèle tridimensionnel de la MRN incluant la végétation est réalisé. OpenStreetMap (OSM) est utilisé comme source géographique. Les informations sont fiables et permettent d’obtenir des données détaillées sur les caractéristiques de la végétation, y compris sa composition, sa taille et sa localisation exacte. Par la suite, la cartographie est exportée et intégrée sous Blender pour l’élévation 3D et sous SnappyHexMesh pour le maillage. Le processus est représenté ci-dessous avec comme exemple le cours Clémenceau rive gauche.
Modèle local du Cours Clémenceau rive gauche
La modélisation 3D de l’agglomération est présenté ci-dessous :
Modèle 3D de la Métropole de Rouen
Maillage
Résultats, analyse et interprétation
Analyses des émissions polluantes
La combustion du bois se déroule en quatre phases principales représentées dans les images ci-dessous :
- La phase d’allumage (ignition) ;
- la phase de flamme statique (flaming) ;
- la phase de combustion lente ou étouffée (smoldering) ;
- la phase de fin de combustion (burnout).
Phases de combustion des échantillons
La phase d’allumage correspond au moment où la flamme commence à se propager. Elle est accompagnée d’une émission de fumée blanche. En se référant aux courbes sur le graphique suivant où sont représentées :
- La masse ;
- Le taux de perte de masse ;
- Les émissions de O2 (dioxygène), de CO (monoxyde de carbone), de CO2 (dioxyde de carbone) et de NOx (oxydes d’azote) ;
on peut observer une augmentation :
- du taux de perte de masse ;
- des émissions de CO, de CO2 et de NOx ;
mais une diminution :
- des concentrations de O2.
La phase de flamme statique marque le début de la combustion du bois où les composants volatils s’enflamment. Au cours de cette phase, les principaux produits générés sont le dioxyde de carbone (CO2) et les les oxydes d’azote (NOx). La combustion est relativement complète grâce à la disponibilité adéquate d’oxygène pour brûler les gaz volatils. Il est aussi notable que le niveau de CO reste stable durant cette phase, après les premiers pics observés pendant la phase d’allumage.
La phase de combustion lente ou étouffée (smoldering) correspond à l’étape des braises en combustion. Le bois peut continuer à brûler à des températures plus basses. Au cours de cette phase, les gaz volatils continuent d’être produits, mais la faible disponibilité d’oxygène limite leur combustion complète. Cette situation entraîne la production importante de monoxyde de carbone (CO) plutôt que de dioxyde de carbone (CO2).
La combustion lente génère une fumée épaisse contenant une quantité significative de gaz combustibles incomplètement brûlés, dont le CO est le principal composant.
La phase de fin de combustion, également appelée phase de “burnout“, représente la dernière étape du processus de combustion du bois. À ce stade, la majorité des composants combustibles ont déjà été consommés, laissant derrière eux des résidus solides sous forme de cendres. L’intensité de la flamme diminue progressivement, et l’émission de gaz et de particules ralentit considérablement.
Au cours de cette phase, la concentration de monoxyde de carbone (CO) reste conséquente.
Courbes de l’évolution de la masse, de la perte de masse, des émissions de O2, CO, CO2 et NOx
Conclusion et perspectives
Dans ce projet, une étude a été menée pour identifier la vulnérabilité de la MRN vis-à-vis des risques d’incendie de végétations. Une cartographie des zones végétales et de leur proximité immédiate avec la ville ou des installations industrielles à risques a permis de définir une zone d’étude au Sud/ Sud-ouest de la Métropole. Cette zone révèle la présence de végétation de type chêne, hêtre et châtaigner, pin sylvestre, lande broussaille ou encore pin noir. Des prélèvements ont été effectués pour mesurer les émissions polluantes lors de la combustion des ces espèces. Les mesures ont pour but de fournir des données d’entrées aux modèles de simulations 3D. Un modèle 3D fiable et représentatif de la topographie de l’agglomération a été conçu. Le modèle prend en compte les immeubles ainsi que la végétation et intègre le comportement de la végétation en cas d’incendie.
Ce projet a pour but de proposer un outil de simulation facilitant l’analyse mais aussi la prise de décision en cas d’incendie ou de dispersion de polluants autres.
Bibliographie (non exhaustive)
C. Chatry, M. Le Quentrec, D. Laurens, J.-Y. Le Gallou, J.J. Lafitte B. Creuchet, J. Grelu, Rapport de la mission interministérielle. Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêts. Vie Publique, Rapport, 2010. https://www.vie-publique.fr/rapport/31347-changement-climatique-et-extension-des-zones-sensibles-aux-feux-de-foret
T. Dbouk, N. Visez, S. Ali, I. Shahrour, D. Drikakis, Risk assessment of pollen allergy in urban environments. Scientific Reports, 2022.
G. Maroun, Modélisation et simulation numérique de la dispersion des polluants dans un milieu urbain, Rapport de stage, 2023.