Vagues de chaleur – ICU

Auteurs

UMR CNRS 6143 M2C :

  • Edward SALAMEH, Ingénieur de Recherche, CNRS
  • Benoit LAIGNEL, Professeur des Universités, Université de Rouen Normandie

Institut T.URN :

  • Alexandre GEFFROY, Ingénieur de Recherche, Université de Rouen Normandie
  • Romain CHAMPION, Ingénieur d’Etudes, Université de Rouen Normandie
  • Marie MOUSSET, Ingénieur d’Etudes, Université de Rouen Normandie

Résumé

Introduction

Depuis la révolution industrielle (1850), la température atmosphérique moyenne à la surface du globe a augmenté de 1,2°C par rapport à l’ère préindustrielle, ce réchauffement étant quasi-totalement imputable aux activités anthropiques. Ainsi, toutes les régions du monde se réchauffent, la Normandie n’échappant pas à cette tendance. Il est, en effet, estimé, d’après l’analyse des mesures des stations météorologiques normandes MétéoFrance, que la température atmosphérique moyenne de cette région a augmenté entre + 0,6°C et + 0,8°C entre la période de référence 1981-2020 et la précédente 1951-1980 (Cantat O. et al., 2020). Outre l’élévation des températures moyennes, le changement climatique a également pour conséquence d’accroître la fréquence et l’intensité des périodes de fortes, voire très fortes chaleurs, comme l’illustre le tableau ci-dessous, dans une région où collectivités et populations restent peu préparées à faire face à ces événements (comme lors de la canicule de 2003) par rapport à d’autres régions françaises (Ladner J., Daudé E., Eliot E., 2020).

Identification des canicules et vagues de chaleur sur la Métropole Rouen Normandie (Commère G., 2022)

Pour qualifier les phénomènes liés aux fortes et très fortes chaleurs, de nombreuses notions existent (canicule, pic de chaleur, vague de chaleur, îlot de chaleur urbain (ICU)) qu’il convient de définir pour saisir leurs nuances et différences. Une canicule est définie par MétéoFrance comme un « épisode de températures élevées, de jour comme de nuit, sur une période prolongée (au moins 3 jours) »1. Pour identifier une canicule, des seuils par département sont définis par MétéoFrance depuis la canicule de 2003, ceux-ci tenant compte, outre les seuls aspects météorologiques, des habitudes, c’est à dire de la capacité des territoires à faire face aux chaleurs extrêmes. En Seine-Maritime, MétéoFrance parle de canicule quand, durant 3 jours et 3 nuits successives, les températures maximales sont supérieures à 30°C et les températures minimales supérieures à 18°C (Fleury F., Arab N., Kabra L. S., 2022). À titre de comparaison, ce seuil d’alerte est fixé pour la Haute-Garonne à 36°C pour les températures maximales et 21°C pour les températures minimales2. Un pic de chaleur désigne, quant à lui, un épisode long de 24 à 48h maximum lors duquel les températures sont supérieures aux normales de saison. Une vague de chaleur caractérise un épisode durant lequel les températures sont bien plus élevées que les normales de saison durant plusieurs jours consécutifs. Enfin, dans le contexte spécifique des milieux urbains, les fortes températures participent à l’intensification de la formation d’ICU. En effet, la chaleur en ville est d’origine à la fois naturelle (rayonnement solaire, vent…) et anthropique (industrie, chauffage, climatisation, trafic routier…) participant à la différence de températures mesurées entre ville et campagne. L’ICU peut ainsi être assimilé à un dôme d’air plus chaud couvrant les espaces urbains, ceux-ci étant sanitairement particulièrement vulnérables aux phénomènes climatiques (Rousseau D., 2005) quand bien même les températures peuvent elles-mêmes grandement varier au sein de ces espaces, comme en témoigne la figure ci-contre.

Schématisation du phénomène d’îlot de chaleur (APUR, 2020)

À la lecture de cela, il apparaît, en ce sens, primordial de mener des recherches sur l’évolution des températures et leur localisation sur un territoire jusqu’à récemment peu ou prou concerné par les problématiques de fortes chaleurs mais qui doit dorénavant s’y adapter pour ne pas subir des conséquences dramatiques, à l’instar de la canicule de 20033, lors d’épisodes amenés à se répéter de plus en plus. Dans le cadre de ce projet scientifique, il a ainsi été question, d’une part, de suivre l’évolution des températures au niveau spécifique de la Métropole de Rouen Normandie (MRN) lors des 40 dernières années et, d’autre part, d’identifier la distribution spatiale de ces températures afin d’isoler les lieux ou quartiers les plus exposés à ces fortes chaleurs.

Données et méthodes

Pour mener à bien ce travail, le projet s’est, dans un premier temps, attaché à recueillir des données météorologiques (températures atmosphériques, humidité relative, vitesse des vents, hauteurs de pluie) relevées par les 3 stations météorologiques MétéoFrance implantées sur le territoire de la MRN (Jumièges, Rouen – Jardin des plantes, Rouen – Boos) ainsi que celle située à Buchy, soit à proximité de la zone étudiée. Comme le souligne le tableau ci-dessous, ces stations permettent de suivre l’évolution des températures depuis 1973 et d’effectuer des comparaisons des températures entre milieux agricoles/ruraux et urbains.

Informations sur les stations météorologiques MétéoFrance utilisées dans le cadre de cette étude (Commère G., 2022)

Comme le souligne ce tableau, l’emplacement des stations de Boos et Buchy furent officiellement déplacés, pour la première, en 2022 et, pour la seconde, en 1984. Ces déplacements apportent un premier « parasitage » dans l’exploitation de ces stations pour analyser l’évolution des températures. Il est, en effet, possible que ces déplacements créent une rupture dans l’homogénéité des valeurs relevées, celle-ci étant intrinsèquement liées au site dans lequel elles sont localisées. Outre ce premier « parasitage » dans le suivi de l’évolution des températures de 1973 à 2022, un second a été isolé lors de l’analyse de l’ICU rouennais à partir de l’analyse croisée des relevés de températures atmosphériques entre les stations Rouen – Jardin des plantes et Rouen – Boos. Les écarts de températures entre centre urbain et plaine rurale sont, systématiquement, plus importants sur les températures minimales, c’est-à-dire au cours de la nuit lorsqu’il n’y a plus de rayonnement solaire et que les surfaces minérales des milieux urbains dégagent la chaleur absorbée tout au long de la journée. Or, l’analyse croisée des stations Rouen – Jardin des plantes et Boos révèle des écarts atteignant jusqu’à 7°C entre le centre urbain et la plaine rural sur les températures maximales.

Comparaison des écarts de températures maximales diurnes (TX) et températures minimales nocturnes (TN) dans la Métropole Rouen Normandie (Commère G., 2022) et Grenobles Alpes Métropole (Foissard et al., 2022)

Cette anomalie s’explique par un déplacement « officieux » de la station du Jardin des plantes non documenté par MétéoFrance qui la place dans un environnement propice à la surchauffe des températures comme en atteste la photographie ci-contre : présence de serres, de bâches sombres et imperméables… Si ce déplacement n’est pas documenté par MétéoFrance, il est fort probable que celui-ci ne fut pas orchestré par leurs soins mais par une personne tiers, cette station MétéoFrance étant autonome et sans personnel dédié.

Station météorologique MétéoFrance du Jardin des plantes et environnement immédiat (Commère G., 2022)

Avec l’identification de ce deuxième « parasitage », il fut progressivement décidé de réorienter, dans un second temps, l’étude de l’évolution des températures moyennes de la MRN et de leur distribution spatiale à partir d’images satellites en infrarouge thermique. L’infrarouge thermique mesure la température des surfaces dans les zones de ciel clair. En présence de nuage, l’infrarouge thermique évalue la température au sommet des nuages. Dans le cadre de cette étude, les pixels calculant la température des nuages ont été retirés afin de se concentrer uniquement sur les températures des surfaces au sol. Il est ainsi important de relever que les valeurs qui seront présentées dans la suite de ce projet ne concernent donc plus des températures atmosphériques même s’il est possible d’estimer des températures atmosphériques à partir de températures de surface via la méthode dite de Temperature Vegetation Index (ou TVX) (Misslin et al., 2018), comme en témoigne la figure ci-dessous. La calibration de la régression linéaire dans le cadre de la méthode TVX demeure néanmoins complexe et les résultats en sortie sujets à caution. C’est pourquoi cette méthode et les résultats associés ne font pas l’objet d’une présentation plus approfondie dans cette fiche.

Comparaison des températures relevées par la station MétéoFrance Rouen – Boos (en rouge) et estimées via la méthode TVX à partir des données Landsat (en bleu)

Cette étude se base sur l’exploitation des données en infrarouge thermique relevées par les satellites Landsat et AQUA/TERRA accessibles via l’United States Geological Survey (USGS). Les satellites Landsat, dont la première génération fut lancée dans la première moitié des années 1980, offrent la possibilité d’analyser près de 40 ans de valeurs de températures de surfaces pendant que les satellites TERRA et AQUA ont été respectivement lancés en 1999 et 2002. Les produits de ces deux satellites ont été comparés car leurs informations peuvent être complémentaires puisque les faiblesses de l’un sont les forces de l’autre. Les images AQUA/TERRA (capteur MODIS pour Moderate-Résolution Imaging Spectroradiometer) ont une meilleure résolution temporelle (acquisition de données 2 fois par jour dont une la nuit contre une acquisition tous les 16 jours pour Landsat) alors que les images Landsat disposent d’une meilleure résolution spatiale (pixel de 30m X 30m contre 1km X 1km pour AQUA/TERRA – voir figure ci-dessous). Les satellites Landsat acquièrent les températures de surface vers 11h30 heure solaire locale tandis que les données AQUA sont acquises entre 12h et 14h pour le jour et entre 22h et minuit pour la nuit (TERRA) et entre 3h et 5h du matin (AQUA). Les images Landsat et AQUA/TERRA sont toutes deux utilisées pour mesurer l’évolution des températures moyennes ces dernières décennies tandis que seules les images Landsat sont utilisées pour mesurer la distribution des températures au sein de la MRN. La résolution spatiale est ici un critère absolument obligatoire pour identifier les lieux et quartiers les plus chauds, ce que ne rend pas possible le capteur MODIS qui, lui, ne révèle, en quelque sorte, « que » le dôme de chaleur entre les espaces urbains et ruraux.

Comparaison de la résolution spatiale des températures de surface entre les images AQUA/TERRA (à gauche) et Landsat (à droite)

Les températures de surface dérivées de la série Landsat ont été obtenues en utilisant l’algorithme développé par Ermida et al. (2020) implémenté sur Google Earth Engine (GEE). Cet algorithme calcule la température de surface en utilisant l’algorithme Statistical Mono-Window (SMW) développé par le Climate Monitoring Satellite Application Facility (CM-SAF) (Duguay-Tetzlaff et al., 2015). Les températures de surface MODIS ont été directement extraites du produit MOD11A1 V6.1 et MYD11A1 V6.1, disponible sur GEE, qui fournit des valeurs de températures diurnes et nocturnes quotidiennes avec une résolution spatiale d’environ 1 km obtenues par l’intermédiaire d’un algorithme dit de « split-window » (Wan Z., 1999) et une précision de 1°Kelvin. Les données ont ensuite été moyennées pixel par pixel pour les périodes suivantes : 1985/1989, 1990/1994, 1995/1999, 2000/2004, 2010/2014, 2015/2019 et 2020/2023. Elles ont également été différenciées selon l’occupation des sols entre espaces urbains/industriels (UI), agricoles (AG) et forestiers (FO) d’après la base de données CORINE Land Cover.

Dans un souci de clarté et dans une volonté de ne pas proposer une fiche descriptive trop longue, seuls les résultats de l’analyse des données en infrarouge thermique de Landsat seront présentés dans ce paragraphe.

Il convient de noter que d’un point de vue purement quantitatif, comme l’illustre la figure suivante, peu d’images en saison hivernal ont été collectées en raison d’une couverture nuageuse plus forte par rapport aux autres saisons, d’une part, et que les périodes allant jusqu’à l’année 2000 comportent 3 à 4 fois moins de pixels que les 8 dernières années analysées pour Landsat4.

Nombre de pixels par période, par saison et par type d’occupation des sols via Landsat

Résultats, analyse et interprétation

Les données satellites offrent la possibilité de spatialiser les relevés de températures de surface permettant d’isoler les lieux et quartiers les plus chauds de la MRN.

Température moyenne des surfaces au sol de la MRN par période demi-décennale entre 1985 et 2023

La figure ci-dessus révèle que l’hypercentre urbain de la MRN est exposé à des températures bien plus élevées que la périphérie. Sur cette figure, l’apparente fraicheur de la période 2000/2004 est toujours à mettre en regard avec le volume plus important de données pour la saison hivernale par rapport aux autres saisons. Parmi les points les plus chauds se retrouvent essentiellement les parkings des grands centres commerciaux (La Vatine à Mont-Saint-Aignan, centre commercial du Bois Cany à Grand-Quevilly…) ou d’industries (Renault à Cléon…), les toits de grands parcs industriels (zone industrialo-portuaire de Rouen) ou commerciaux (concessionnaires automobiles dans le quartier du Mont-Riboudet à Rouen) comme l’illustre la prochaine figure. Néanmoins, des variations de températures moyennes sont clairement identifiables au sein de l’hypercentre urbain. Outre les aménagements cités ci-dessus, tous propices à la formation d’ICU, des espaces de fraîcheurs sont aussi identifiables, à l’instar des parcs et squares végétalisés (square Verdrel, jardin de l’hôtel de ville ou le Jardin des plantes à Rouen par exemple). Ces différents aménagements témoignent de l’impact de l’urbanisme et des choix en termes d’aménagement du territoire dans la distribution des températures et de l’inégale exposition des populations urbaines à ces dites températures. Cela vient ainsi légitimer les actions contemporaines de revégétalisassions des espaces urbains qui, au-delà des enjeux de rafraîchissement, participent également à la lutte contre le ruissellement lors des épisodes de fortes pluies responsables de dommages humains et matériels souvent non négligeables et au maintien et à la protection de la biodiversité.

Comparaison des températures de surface maximum pour deux secteurs de l’hypercentre de la Métropole Rouen Normandie pour la période 2018-2023

Au-delà d’une simple analyse spatiale, les données satellites offrent la possibilité de mesurer l’évolution des températures de surface. Pour cela, des box plot, ou « boîtes à moustache » sont utilisées. Celles-ci permettent de visualiser et comparer la répartition des températures moyenne par période.

Une box plot se compose d’un rectangle qui se lit de la façon suivante :

  • la valeur centrale est la médiane ;
  • les bords du rectangle sont les quartiles, le bord inférieur représentant le premier quartile (ce qui signifie que 25 % des données mesurées lui sont inférieures et 75 % lui sont supérieures) et le bord supérieur indique le troisième quartile (75 % des données mesurées lui sont inférieures et 25 % lui sont supérieures) ;
  • les extrémités (en dehors du rectangle) sont calculées en utilisant 1,5 fois l’espace interquartile (distance entre le premier et le troisième quartile).

Ainsi, 50 % des observations de températures se situent à l’intérieur du rectangle. Sur ces derniers, la moyenne des moyennes des températures par pixel est également renseignée (point rouge).

Températures de surface moyennes de la MRN, tous types de sol et saisons confondus, par période demi-décennale de 1985 à 2023

Cette figure est à mettre en regard avec la figure représentant le nombre de pixels par saison, notamment pour ne pas surinterpréter les écarts de températures entre période, en particulier pour la période 2000/2004 qui dispose du plus grand volume d’images hivernales par rapport aux autres périodes. En ce sens, la température moyenne plus basse pour la période 2000/2004 ne se confirme pas lorsque seules les données estivales sont comparées : – 2,4°C toutes saisons confondues entre la période 1995/1999 et 2000/2004 contre -0,12°C pour la seule période estivale. De manière générale, la figure ci-dessus ne laisse clairement pas transparaître une augmentation des températures moyennes. Cette assertion mérite toutefois d’être nuancée par une analyse statistique plus fine. Une analyse des écarts à la moyenne de l’ensemble de la période étudiée (1985/2023) révèle que les 3 dernières périodes (2010/2014, 2015/2019 et 2020/2023) sont systématiquement plus chaudes que la température moyenne de la période de référence : +1,61°C pour 2010/2014 ; + 0,34°C pour 2015/2019 ; + 0,72°C pour 2020/2023.

Températures de surface moyennes de la MRN par saison, tous types d’occupation du sol confondus, par période demi-décennale de 1985 à 2023

L’analyse de l’évolution des températures moyennes par saison confirme cette difficulté à isoler un réchauffement continu des températures, à l’exception des saisons hivernales. Les données automnales mettent au jour des écarts de températures moyennes entre périodes contiguës pouvant atteindre – 3°C (par exemple entre la période 2015/2019 et 2020/2023), à l’instar des données printanières. Comme explicité ci-dessus, seules les données hivernales mettent en lumière un réchauffement des températures extrêmement prononcé. Il convient, toutefois, d’analyser avec précaution ce jeu de données puisque très peu d’images ont été collectées pour les 3 mois hivernaux, à l’exception de la période 2000/2004. Les comparaisons entre période demi-décennale est peut-être hasardeuse, certes, mais les 2 dernières périodes ont des températures moyennes bien supérieures à la moyenne des températures moyennes de la période de référence : + 1,78°C pour 2015/2019 et + 4,43°C pour la période 2018/2023.

L’évolution des températures, toutes saisons confondues, semble ainsi être le fruit non pas d’une augmentation très prononcée des températures estivales (ou maximales) mais plus d’une augmentation très prononcée des températures hivernales (ou minimales). Sur ce point, il est important de noter que les données satellites ne permettent pas forcément de capter les températures lors des épisodes de canicules ou vagues de chaleur. En effet, avec un passage tous les 16 jours, les probabilités de captation de ces phénomènes par le satellite sont assez minces. Néanmoins, ces données permettent de comparer, par temps clair, l’évolution des températures sur l’ensemble de la MRN.

Outre cet aspect purement temporel, il est également intéressant de comparer l’évolution des températures par types d’occupation du sol.

Températures de surface moyennes de la MRN par types d’occupation du sol, toutes saisons confondues, par période demi-décennale de 1985 à 2023

La figure ci-dessus met en exergue le fait que les sols minéralisés sont systématiquement les plus chauds, suivi des sols agricoles puis des espaces forestiers. Pour les couverts forestiers, il faut noter que les satellites mesurent la température à la cime des arbres (canopée). La densité d’arbre et la couverture foliaire associées ne permettent pas au radiomètre d’acquérir les données au sol. Il en va de même pour les hypercentres urbains où le radiomètre capte, en raison de la densité et de la proximité du bâti, essentiellement les températures des toits (canopée urbaine) et non la surface des sols. Quoi qu’il en soit, les espaces urbains/industriels ont des températures de surface en moyenne 2,27°C plus chaud (toutes saisons confondues) que les espaces agricoles et 4,34°C plus chaud que les espaces forestiers. Ces écarts, en période estivale, atteignent même respectivement + 3,21°C et + 6,90°C. Cela souligne ainsi parfaitement la vulnérabilité des milieux urbains aux phénomènes climatiques par rapport aux espaces de fraîcheurs que représentent, en particulier, les espaces forestiers.

Comparaison des températures moyennes par type d’occupation du sol et toutes saisons confondues dans la MRN entre 1985 et 2023

Conclusion et perspectives

En conclusion, le travail mené lors de ce projet de recherche a permis d’initier une démarche d’analyse de l’impact du changement climatique dans l’évolution des températures au sein de la MRN et de leur distribution spatiale. Les problématiques liées à la chaleur ne sont, en effet, que récemment devenues une réalité en Normandie. L’objectif de ce projet était ainsi de mener un diagnostic des ressources disponibles à l’heure actuelle pour étudier cette évolution pour pouvoir accompagner, in fine, les pouvoirs publics dans leur stratégie d’adaptation. Voulant se baser, au départ, sur des données de températures atmosphériques in-situ de MétéoFrance, le projet s’est heurté, d’une part, à un faible maillage (seulement 3 stations MétéoFrance sur le territoire de la MRN) et, d’autre part, à des données dont l’homogénéité et la fiabilité (en particulier pour la station de Rouen – Jardin des plantes) ne pouvaient être assurées. C’est pourquoi, il fut décidé, dans un second temps, de baser l’analyse sur un corpus d’images satellites en infrarouge thermique. Grâce aux satellites Landsat, 40 années de données de températures de surface au sol (et non de températures atmosphériques) ont pu être collectées et analysées. Si une légère augmentation des températures semble se dessiner et s’accentuer ces 8 à 10 dernières années, le seul recours à l’imagerie satellite n’est pas suffisant pour étudier à la fois l’évolution des températures et leur distribution réelle. Celle-ci reste en particulier tributaire de la couverture nuageuse ce qui pose un véritable problème dans le contexte rouennais où la nébulosité, sur l’ensemble de l’année, est importante, surtout en hiver. Cette première analyse se doit d’être donc complétée par d’autres méthodologies comme les mesures in-situ via l’installation de nouvelles stations météorologiques complémentaires au réseau MétéoFrance, à l’instar de ce que font d’autres collectivités territoriales comme Rennes, Toulouse, Dijon, Caen, Grenoble ou Metz, et de la simulation numérique. Ces 3 méthodologies d’analyse sont particulières et complémentaires. Il semble aujourd’hui important de les croiser pour obtenir une étude exhaustive des phénomènes météorologiques à des résolutions spatiales fines (du point GPS pour les stations météorologiques à 30m*30m pour l’imagerie satellite et à 700m pour la simulation numérique) et dans une perspective diachronique (évolution des températures durant les 40 dernières années via l’imagerie satellite, micro-nuances horaires et selon tout type de temps de l’ICU (Cantat O., 2004) dans le milieu urbain via les capteurs météorologiques et prospectivistes via le recours au modèle climatique Weather Research and Forecast (WRF)).

Enfin, en guise d’autre perspective, il serait également intéressant et pionnier de mesurer les conséquences sanitaires des différents épisodes de canicules et vagues de chaleur pour la population de la MRN tout comme les perceptions et stratégies d’adaptation déployées par cette dernière. Pour cela, un rapprochement avec les opérateurs de santé et entre les sciences environnementales et sciences humaines et sociales apparaît comme primordial.

Bibliographie (non exhaustive)

APUR, 2020. Les îlots de chaleur urbains à Paris, Adapter la ville aux canicules, Angers.

O. Cantat, B. Laignel, Z. Nouaceur, S. Costa, ANBB, 2020. GIEC Normand, Changement Climatique et aléas météorologiques, Synthèse, Région Normandie.

O. Cantat, 2004. L’îlot de chaleur urbain parisien selon les types de temps, Norois, 191, 2, 75-102. DOI : https://doi.org/10.4000/norois.1373.

Duguay-Tetzlaff A., Bento V. A., Göttsche F.-M., Stöckli R., MartinsJ. P. A., Trigo I., Olesen F., Bojanowski J. S., Da Camara C., Kunz H., 2015. Meteosat Land Surface Temperature Climate Data Record: Achievable Accuracy and Potential Uncertainties, Remote Sensing, 7(10), https://doi.org/10.3390/rs71013139

Ermida S. L., Soares P., Mantas V., Göttsche F.-M., Trigo I. F., 2020. Google Earth Engine Open-Source Code for LandSurface Temperature Estimation from the Landsat Series, Remote Sensing, 12, 1471, doi:10.3390/rs12091471

G. Commère, 2022. Caractérisation des évènements de canicules, de vagues chaleurs, et incendies, analyse du phénomène d’îlots de chaleurs urbain de la métropole Rouen Normandie. Master, Rouen, Université de Rouen Normandie.

F. Fleury, N. Arab, L. S. Kabra, 2022. Les impacts du changement climatique sur l’architecture dans la Métropole Rouen Normandie, Rapport du GIEC local pour la Métropole Rouen Normandie, Métropole Rouen Normandie.

X. Foissard, S. Rome, S. Bigot, A. C. Fouvet, 2022. Réseau de mesures et analyses spatio-temporelles de l’îlot de chaleur urbain grenoblois : l’été 2020. 35e colloque de l’Association Internationale de la Climatologie, Toulouse.

J. Ladner, E. Daudé, E. Eliot, 2020. GIEC Normand, Risques Sanitaires émergents et enjeux territoriaux en Normandie, Synthèse, Région Normandie.

R. Misslin, Y. Vaguet, A. Vaguet, E. Daudé, 2018. Estimating air temperature using MODIS surface temperature images for assessing Aedes aegypti thermal niche in Bangkok, Thailand, Environmental Monitoring and Assessment, 190, 537, 17p. DOI : https://doi.org/10.1007/s10661-018-6875-0

D. Rousseau, 2005. Analyse fine des surmortalités pendant la canicule 2003, La Météorologie, 51, 16-22.

Z. Wan, 1999. MODIS Land-Surface Temperature Algorithm Theoretical Basis Document (LST ATBD), Version 3.3, Institute for Computational Earth System Science, University of California, Santa Barbara, 75p.


  1. D’après : https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/comprendre-la-meteo/canicule-vague-ou-pic-de-chaleur. ↩︎
  2. Ibid ↩︎
  3. Voir notamment : https://www.ouest-france.fr/normandie/rouen-76000/de-rouen-au-havre-la-seine-aussi-sous-l-effet-du-changement-climatique-4b0e55d4-260e-11ec-b619-67ece8bca023. ↩︎
  4. Landsat-7 est lancé en 1999 en parallèle de Landsat-5 jusqu’en 2013. Landsat-8 est lancé en 2013 en parallèle de Landsat-7. ↩︎