De façon commune, les risques sont catégorisés en grands thèmes (naturels, du vivant, technologiques, de société) construits sur la nature de l’aléa. Or, cette classification silotée apparaît désormais bien trop restrictive et porteuse de difficulté de gestion des risques et crises qu’ils peuvent engendrer lorsqu’ils se concrétisent.
En effet, une telle segmentation conceptuelle a des répercussions en termes opérationnels, aussi bien du point de vue de la prévention que de la gestion. Nombre de Plans de Prévention des Risques (PPR) ou de dispositifs départementaux d’Organisation de la Réponse de SÉcurité Civile (ORSEC) sont soit généralistes soit déclinés pour chaque aléa : PPR inondation, plan ORSEC ouragan… Cette conception aléa-centrée et mono-aléa ne permet ainsi pas d’envisager et de se préparer aux multirisques (concomitance de plusieurs aléas sur un même territoire) et aux facteurs de sur-crise (amplification des perturbations initiales par des défaillances en cascade). Il est, en ce sens, extrêmement rare qu’un territoire ne soit soumis qu’à un seul aléa. La Région Normandie ou la Métropole Rouen Normandie sont, par exemple, toutes deux très exposées aux risques technologiques (présence de nombreuses Installations Classées pour la Protection de l’Environnement – ICPE –, transport de matières dangereuses – TMD –…) et naturels (inondation, tempêtes…) faisant craindre la survenue d’un événement Natech (contraction des termes naturels et technologiques) en vallée de Seine ou sur le littoral de la Manche notamment.
À ce titre, l’actualité mondiale récente liée à la pandémie de Covid-19 a malheureusement mis en lumière, en divers endroits du globe, les faiblesses de l’approche majoritaire aléa-centrée. En Inde et au Bengladesh, lors du passage du cyclone Amphan (mai 2020), ou à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, lors de l’éruption du volcan La Soufrière (avril 2021), les stratégies classiques d’évacuation massive de population ont été mises à mal avec le contexte sanitaire. Les normes de distanciation physique pour éviter les contaminations ne sont initialement pas prises en compte dans les calculs de capacité d’accueil des abris. Un redimensionnement de ces capacités a ainsi été nécessaire, complexifiant et ralentissant la logistique de la gestion de crise tout en apportant pour les autorités la crainte de créer des clusters de contamination aggravant les conséquences initiales induites par le seul ouragan. À Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les autorités locales prirent la décision d’évacuer en priorité les personnes vaccinées, allant à l’encontre des prescriptions traditionnelles d’évacuation prioritaire des personnes vulnérables (personnes âgées, hospitalisées et les enfants).
Dans un contexte de changement climatique de plus en plus prégnant, les interactions entre risques naturels, technologiques, sanitaires et sociétaux vont aller en s’accroissant. Une approche multirisque devient, en ce sens, nécessaire, celle-ci pouvant se définir comme une analyse croisée qui consiste à :
- Évaluer tous les aléas, enjeux et risques d’un territoire ;
- Analyser les interactions potentielles entre risques.
En conclusion, le multirisques propose de prendre en compte les risques dans une démarche systémique afin de s’approcher de la réalité et de sa complexité tant les possibilités d’effets-cascades sont nombreux. L’ambition est, in fine, de fournir aux autorités un outil d’aide à la décision et à l’anticipation utile aussi bien pour l’aménagement du territoire que pour la gestion de crise permettant, d’une part, de reconnaître les endroits les plus vulnérables et, d’autre part, de hiérarchiser, les priorités d’actions.